Décrire les réseaux trophiques

Emilie Géhin, Louane Moussouteguy, Camille Rannou | ENSAT, le 25 mars 2025

SOMMAIRE

Introduction | Méthodes | Données | Descripteurs | Comparaison

Introduction

Les réseaux trophiques qui occupent différents écosystèmes peuvent être décrits à l’aide d’outils de modélisation. Les données fournies sur ces réseaux permettent de retracer les interactions trophiques entre les espèces qui le composent et d’établir des liens producteurs/consommateurs. Ces interactions liens/espèces de niveau micro permettent de grouper les espèces aux interactions trophiques similaires afin d’étudier le réseau au niveau macro. Ainsi de nombreux descripteurs peuvent être appliqués sur ces groupes afin d’obtenir des informations sur l’organisation et la stabilité des réseaux trophiques.

Méthodes employées

Allesina

La première méthode utilisée est la méthode Allesina (Allesina & Pascual, 2009). La méthode réalise des groupes trophiques au sein des réseaux en fonction des interactions entre espèces. Elle fournit également des informations sur des descripteurs simples: nombre de liens, connectance…

Allesina, S., & Pascual, M. (2009). Food web models: A plea for groups. Ecology Letters, 12(7), 652–662. https://doi.org/10.1111/j.1461-0248.2009.01321.x

TG

La méthode TG (Trophic Groups) a été établie par Gauzens (Gauzens, Thébault, Lacroix, & Legendre, 2015). Il s’agit d’une autre façon de réaliser les groupements d’espèces au sein du réseau trophique. La méthode implique l’utilisation de l’application Network. Elle permet ainsi de référencer les groupes et de fournir de nombreux descripteurs: connectance, niveau trophique…

Gauzens, B., Thébault, E., Lacroix, G., & Legendre, S. (2015). Trophic groups and modules: Two levels of group detection in food webs. Journal of the Royal Society Interface, 12(108), 20141176. https://doi.org/10.1098/rsif.2014.1176

Jeux de données

Les réseaux écologiques peuvent être représentés comme un ensemble de nœuds S, caractérisant les espèces, reliés par un ensemble de liens L, caractérisant les interactions possibles entre chaque paire ordonnée d'espèces. Dans nos jeux de données, les liens sont décrits par une variable binaire: 0 ou 1, absence ou présence d'interaction entre les prédateurs et les proies.

Allesina

Pour la méthode Allesina, 2 jeux de données fournis ont été utilisés. Le premier jeu concerne 25 réseaux trophiques de haute résolution issus de diverses publications.

Allesina, S., & Pascual, M. (2009). Food web models: A plea for groups. Ecology Letters, 12(7), 652–662. https://doi.org/10.1111/j.1461-0248.2009.01321.x
Kéfi, S., Miele, V., Wieters, E. A., Navarrete, S. A., & Berlow, E. L. (2016). How structured is the entangled bank? The surprisingly simple organization of multiplex ecological networks leads to increased persistence and resilience. PLoS Biology, 14(8), e1002527. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.1002527
Sander, E. L., Wootton, J. T., & Allesina, S. (2015). What can interaction webs tell us about species roles? PLoS Computational Biology, 11(7), e1004330. https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1004330
Baskerville EB, Dobson AP, Bedford T, Allesina S, Anderson TM, et al. (2011) Spatial Guilds in the Serengeti Food Web Revealed by a Bayesian Group Model. PLoS Comput Biol 7(12): e1002321. doi:10.1371/journal.pcbi.1002321
Rezende, E. L., Albert, E. M., Fortuna, M. A., & Bascompte, J. (2009). Compartments in a marine food web associated with phylogeny, body mass, and habitat structure. Ecology Letters, 12(8), 779–788. https://doi.org/10.1111/j.1461-0248.2009.01327.x
Cirtwill, A. R., & Eklöf, A. (2018). Feeding environment and other traits shape species’ roles in marine food webs. Ecology Letters, 21(6), 875–884. https://doi.org/10.1111/ele.12955
Dalla Riva, G. V., & Stouffer, D. B. (2016). Exploring the evolutionary signature of food webs’ backbones using functional traits. Oikos, 125(4), 446–456. https://doi.org/10.1111/oik.02305

Le deuxième correspond aux très nombreux réseaux Ecoweb. Le fichier contient 181 réseaux trophiques de basse résolution.

Cohen, J. E. (2010). ECOWeB™: Ecologists' Co-Operative Web Bank (Version 1.1) [Data set]. Rockefeller University.

TG

Pour la méthode TG, le même jeu de données haute résolution contenant les 25 réseaux à été utilisé.
Afin de proposer une meilleure comparaison, 2 autres jeux de données ont été implémentés.
Le premier fourni dans le dossier correspond à 13 jeux de données de haute résolution.
Le deuxième jeu de données ajouté correspond à 24 réseaux trouvés en ligne issus de diverses publications.

Jaarsma, N.G., de Boer, S.M., Townsend, C.R., Thompson, R.M. and Edwards, E.D. 1998. Characterising food webs in two New Zealand streams. New Zealand Journal of Marine and Freshwater Research 32: 271-286.
Thompson, R.M., Edwards, E.D., McIntosh, A.R. and Townsend, C.R. 2001. Allocation of effort in stream food web studies – the best compromise? Marine and Freshwater Research 52/3: 339-345.
Thompson, R.M. and Townsend, C.R. 1999. The effect of seasonal variation on the community structure and food-web attributes of two streams : implications for food-web science. Oikos 87: 75-88.
Thompson, R.M. and Townsend, C.R. 2000. Is resolution the solution? the effect of taxonomic resolution on the calculated properties of three stream food webs. Freshwater Biology 43: 1-10.
Thompson, R.M. and Townsend, C.R. 2003. Impacts on stream food webs of native and exotic forest: an intercontinental comparison. Ecology 84: 145-161.
Thompson, R.M. and Townsend, C.R. In press. Energy availability, spatial heterogeneity and ecosystem size predict food-web structure in streams. Oikos.
Townsend, C.R., Thompson, R.M., McIntosh, A.R., Kilroy, C., Edwards, E.D. and Scarsbrook, M.R. 1998. Disturbance, resource supply and food-web architecture in streams. Ecology Letters 1: 200-209.

Descripteurs Réseaux

Le rôle des descripteurs est de qualifier et comparer les réseaux de nos jeux de données. L’étude des descripteurs s’appuie sur l’hypothèse de l’écologiste MacArthur définie en 1955: "la stabilité augmente avec le nombre de liens" et que la stabilité est plus facile à atteindre dans des assemblages d'espèces plus diversifiés, liant ainsi la stabilité de la communauté à la fois à l'augmentation des liens trophiques (par exemple, la connectivité (L)) et à l'augmentation du nombre d'espèces (S).

Connectivité

La connectivité d’un réseau correspond aux nombre de liens (L) établis dans le réseau en fonction du nombre de groupes (S). Il permet de mesurer la complexité du réseau.

Graphique de connectivité

Le graphique représente la connectivité des réseaux pour les 3 jeux de données obtenus par la méthode TG. Plus le nombre de liens et le nombre de groupes est élevé, plus le réseau est stable. Ceci permet de vérifier la qualité des jeux de données utilisés dans cette étude.

Graphique connectivité Allesina

On voit par exemple sur les jeux de données employés par la méthode Allesina une différence de qualité. On observe en bleu les réseaux hautes résolution comportant plus de liens et de groupes, et en rouge les jeux de données Ecoweb de basse résolution.

Connectance

La connectance permet de mesurer le degré d’indépendance des groupes au sein des réseaux. Le graphique ci-dessous représente la connectance (C) en fonction du nombre d’espèces (S) ainsi que le nombre de liens (L) représenté par la taille des points. Pour assurer la stabilité du réseau trophique, pour un même niveau de diversité, la connectance doit augmenter avec le nombre de liens.

Graphique de connectance

La distinction du nombre élevé de liens avec l’augmentation de la connectance n’est pas évidente sur la figure. Elle est cependant observable pour certains S donnés (~25 , ~46) où on voit une augmentation de la taille des points (L) le long de l’axe y (C ).

Groupes spécialistes et généralistes

Les réseaux peuvent se composer de groupes dits spécialistes, ou généralistes. Un réseau de spécialistes est alors composé de chaînes trophiques uniques. Ceci implique que la disparition d’un groupe spécialiste mène à la disparition de toute la chaîne en aval. A contrario, un réseau de généralistes se compose de groupes interconnectés prenant part dans plusieurs chaînes trophiques. La disparition d’un des groupes n’entraîne alors que sa perte au sein du réseau. Ainsi les réseaux composés de groupes généralistes sont plus stables en cas d’extinction.

Schéma spécialistes et généralistes

L’aspect généraliste ou spécialiste du réseau peut se déterminer grâce à la densité de liens (L/S). Plus cette valeur est élevée, plus le réseau est généraliste.

Graphique degré

On peut par exemple observer sur le graphique ci-dessus que le jeu de données ajouté en rouge comporte plusieurs réseaux généralistes.

Niveaux trophiques

En écologie, le niveau trophique est le rang qu'occupe une espèce dans le réseau trophique. Il se mesure par la distance qui le sépare du niveau basique qui est celui de la production primaire. On distingue ainsi trois classes de niveau: “basal”, “intermediate” et “top”. La classe basale correspond aux organismes producteurs. C’est-à-dire qui sont consommés mais qui ne consomment pas d’autres individus (proies). A l’inverse, les groupes classés “top” correspondent aux espèces qui consomment d’autres êtres vivants du réseau mais qui ne sont pas consommés (prédateurs). Entre ces deux classes se trouve la classe intermédiaire qui correspond aux organismes à la fois consommateurs et à la fois consommés (proies et prédateurs).

Graphique niveaux trophiques

On retrouve ainsi dans ce graphique les 3 niveaux trophiques représentés selon leur jeu de données. Ainsi pour chaque réseau (“Network”), la proportion de chaque classe est représentée en pourcentage (“Type proportion”). Cela permet de distinguer les classes dominantes des réseaux étudiés.

Comparaison des méthodes

Finalement, grâce au jeu de données commun aux 2 méthodes comportant les 25 réseaux, il est possible de comparer les groupements effectués.

Graphique connectivité TG Graphique connectance TG

En réalisant le même graphique sur les mêmes métriques du même jeu de données, on observe l’impact du groupement effectué par la méthode TG ou Allesina. Les groupes d’espèces formés pour chaque réseau comportent en effet des différences. Ils ont cependant tendance à suivre le même motif quand analysés par les descripteurs. Il est alors important d’utiliser la même méthode sur les jeux de données à comparer afin d’obtenir des résultats fiables. Les mêmes tendances retrouvées sur les graphiques montrent par ailleurs la robustesse des résultats obtenus par ces méthodes.

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